Je me souviens…
du train pour l’Italie qui prenait des voyageurs de Luxembourg, Thionville, Metz
Je me souviens…
des moments d’enfance heureuse sur le quai de la gare de Metz dans l’attente du train es
(A cette époque, il y avait trois trains par jour pour l’Italie)
Je me souviens de ces départs pour les vacances al paese.
Le jour précédant le départ pour l’Italie, ma mère confectionnait des panini, les casse-croûtes italiens : frittatine (fines omelettes au fromage), cotolette (escalopes panées), formaggini (tranches de provolone ou/et fromage fondant), uova sode (œufs durs) frutta, tablettes de chocolat, bibite (boissons), en quantité suffisante pour un voyage de plus de trente-six heures... se tutto va bene… (si tout va bien !) l’approvisionnement était toujours insuffisant.
Le jour du départ, 22 heures, gare de Metz, le quai n° 8 est bondé. La foule, les bagages, le bruit, l’euphorie italienne du départ ! Et tout ce monde arrive au moins une heure avant l’arrivée du train. On ne sait jamais !!!… Le quai grouille des familles sur le départ et des cousins et oncles venus les aider. Chaque famille occupe sa partie de quai au centre de laquelle se trouvent, les bagages et les enfants à protéger. Papa ne cesse de regarder la montre. Le train sera-t-il à l’heure ? On sent cette impatience, les voix sont fortes et enthousiastes, on rit de plaisir, on pleure de bonheur.
Avec les enfants au bas âge, il y avait plusieurs bagages supplémentaires. Les enfants eux-mêmes, puis les valises de vêtements pour chacun d’eux et bien sûr le précieux panier alimentaire de survie détaillé plus haut sans lequel on ne peut voyager, la valise aux cadeaux, et la valise des cadeaux des autres (peux-tu porter ceci ou cela à ma mère, ma sœur, …c’est petit ça ne prend pas de places…) mais avec le nombre…
Les enfants-bagages, au début, ce sont mon frère et moi, attachés à la mère par la ceinture comme par un cordon ombilical. En effet, avec cette foule et ses mouvements pressants lors de l’arrivée du train, en gare il fallait bien s’accrocher et surveiller i bambini. Enfin l’annonce tant attendue :«Le train en provenance de Bruxelles à destination de Milan, entre en gare. Trois minutes d’arrêt. Eloignez-vous de la bordure du quai»
Dernières embrassades. Les papas sont devant, derrière il y a les cousins et oncles avec les bagages, puis la mamma et les enfants. Dès l’arrêt du train, c’est l’abordage, c’est l’assaut. Les papas montent dans le train, s’accaparent un compartiment. Les valises sont envoyées et hissées à travers il finestrino par les accompagnants. Les bagages sont déposés sur les fauteuils, signe de la place réservée, pendant que la mamma monte avec ses enfants, prenant position en lieu et place des valises.
Pendant que le père s’affaire à mettre les bagages dans le filet au-dessus des sièges, la mère aménage le compartiment qui servira de territoire temporaire jusqu’à Milano Centrale.
Le panier à provisions n’est pas loin. Le compartiment est composé de huit places et nous sommes cinq, donc trois sièges sont occupés par d’autres personnes qui nous ressemblent car elles effectuent elles-aussi le retour al paese. Echanges polis. On parle en italien (ou à peu près) ou quelquefois dans un français à modo loro, une langue parlée que seuls les italiens all’estero comprennent.
Pendant cet échange de courtoisie, la confiance s’installe. Alors c’est le moment où chaque famille se regarde dans les yeux pour savoir qui va commencer à déballer le premier. Non, non, pas un déballage de paroles, mais l’ouverture du ”sac à manger”.
En effet, dès le départ de la gare de Strasbourg où le train affrontait ses derniers assauts, les fameux paniers à provision s’ouvraient et dégageaient des saveurs invitant à la dégustation.
Qui va dégainer le premier : «favorite» en présentant un panino, «buon appetito», c’est
la réponse qui ouvre les agapes et où chacun mange ses propres casse-croûtes tout en les ayant proposés à ses voisins.
Il panino de frittatina al formaggio était mon préféré… euh non après celui avec la scaloppina, les œufs aussi, …
En fait ce panier qui devait résister et nourrir pendant plus de trente heures et deux mille kilomètres de train, avait été dévoré à Milano Centrale.
(suive)
Alphonse Romano