À l’occasion de Journée de la Mémoire de la Shoa, édition 2021, nous avons posé deux questions à Bruno Agostini, auteur du roman Les Jardins de Pfaffenthal, traduit de l’italien par Oreste Sacchelli, publié par PassaParola Editions, Luxembourg 2020

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Dans cette Journée de la Mémoire de la Shoa, votre livre Les Jardins de Pfaffenthal, récemment publié au Luxembourg, se situe de manière on ne pourrait plus pertinente dans le panorama littéraire grand-ducal. Ce roman, bien particulier à plusieurs égards, évoque en effet la persécution des Juifs pendant l’occupation nazie du Luxembourg, leur déportation dans les camps, la vie des rescapés meurtris à jamais par les atrocités subies.

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Pourriez-vous nous expliquer – vous, qui venez d’autres horizons, tout en résidant au Grand-Duché depuis quatre décennies – le choix d’un tel sujet, qui n’a pas souvent trouvé preneur (au-delà des récits plus proprement mémoriels de la déportation) dans la fiction narrative au Luxembourg ?

Je ne suis pas de religion juive et, à ma connaissance, aucune de mes familles d’origine ne l’était. C’est la réponse que j’ai donnée à certains lecteurs qui m’avaient posé la question. Une question que du reste je m’attendais.

Par mon roman, je souhaitais avant tout trouver le moyen d’aborder deux sujets qui me tiennent à cœur :   à la fois le problème du mal (comme j’essaye de l’expliquer répondant à la deuxième question), et également l’envie de mieux comprendre l’histoire de ce pays qui m’a accueilli, devenu désormais ma deuxième « mère-patrie ».

Je n’ai jamais eu l’intention, ni les capacités, d’écrire un essai car je ne suis pas un historien, il peut donc s’avérer qu’on trouve dans mon roman quelques inexactitudes dont je demande pardon. Ce que j’ai tenté de reproduire c’est un cadre historique, le plus proche de la réalité de l’époque, autour de mes personnages afin que leurs actions, sentiments, attitudes résultent mieux compréhensibles.

Après avoir terminé le roman, au cours de mes promenades j’ai appris à regarder de manière différente certains endroits de notre ville : place d’Armes, le Pfaffenthal, l’avenue de la Liberté et tous les autres lieux qui font partie du récit. Et je serais ravi si quelques-uns de mes lecteurs auront, eux aussi, appris à y poser un regard moins superficiel. L’histoire peut nous apprendre beaucoup de choses et, surtout, à mieux nous connaître nous-mêmes.

À la lecture de vos autres romans, où vous traitez des sujets très différents de celui-ci, on y retrouve le même fil rouge qui les traverse, à savoir le questionnement autour du bien et du mal auquel tout homme est confronté. Que représente alors pour vous cette sorte de Leitmotiv qui revient sans cesse dans votre écriture ?

Le but de mon écriture, comme vous l’avez bien remarqué dans mes romans, est celui d’encourager une réflexion commune sur le mal. Le mal comme expression du côté sombre des êtres humains. Je l’ai évoqué au sujet de la « camorra » à Naples et je l’ai repris dans Les Jardins de Pfaffenthal pour ce qui concerne le nazisme et les juifs.

Je suis persuadé qu’en chacun de nous les capacités de bonté et de cruauté coexistent, reparties de façon plus ou moins équilibrée, et que l’une ou l’autre peut prendre le dessus sous l’influence de l’éducation et de l’environnement, bref, de la famille et de la société.

Il est donc essentiel que les lois et les structures sociales reflètent l’aspiration à une société juste et équitable dans laquelle chacun puisse avoir, malgré les différences sociales, politiques et religieuses, les mêmes droits et devoirs, sans aucune distinction, contribuant à faire de chacun de nous le meilleur individu possible.

Malheureusement, au cours de l’histoire humaine, nous avons souvent assisté à la naissance de sociétés dans lesquelles ces principes étaient renversés. Des sociétés dans lesquelles le pire de chacun de nous était poussé à sortir.

Ce qui a conditionné mon choix d’étudier plus à fond l’attitude allemande vis à vis des juifs étaient notamment les conditions dans lesquelles ce mal s’est propagé.

Nous sommes toujours douloureusement étonnés de constater que de nombreux individus ont accepté des ordres inconcevables, dénués de toute justification et d’humanité, partagés sans vergogne et consciencieusement appliqués.

C’est pourquoi, même si le mal se trouvait, à l’origine, dans les décisions d’un seul individu, il a ensuite pu se propager grâce à la participation de beaucoup d’autres, au silence de plusieurs, à la docilité de tous ceux qui ont préféré ne pas voir.

Ce qui s’est passé n’est pas seulement un phénomène de cruauté envers les juifs, mais quelque chose qui a meurtri à jamais notre humanité. Comment a-t-il été possible ? Que faire pour que cela ne se reproduise ? Comment ne pas perdre totalement la foi dans l’être humain, symbole pourtant d’un éventuel lien avec la divinité ?

Mes questions donneraient un sens à mon travail d’écrivain si, après lecture, elles pourraient également surgir dans le cœur de mes lecteurs.

 A cura di Maria Luisa Caldognetto

 

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