Elle est la directrice générale de la Cité musicale-Metz depuis octobre 2017. Avant d’arriver à Metz, de nombreuses expériences professionnelles l’ont amenée à vivre en Italie, pays avec lequel elle a conservé un lien particulier. PassaParola l’a rencontrée.

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Vous avez vécu et travaillé en Italie. Quels sont vos meilleurs souvenirs professionnels de cette période ?

J’ai eu la chance de vivre à trois reprises en Italie dans des villes et des contextes très différents : d’abord à la fin de mes études, en 1994, pour un échange Erasmus à l’université Bocconi de Milan, suivi de trois mois de stage à Rome, puis à nouveau à Milan quelques années après pour diriger de 1998 à 2003 la toute jeune filiale italienne de l’éditeur de jeux vidéo Ubisoft, alors en plein boom. Enfin à Venise, de 2012 à 2017, à la tête de la Fondation Palazzetto Bru Zane qui œuvre pour la promotion de la musique romantique française. Cette dernière expérience a été sans doute la plus marquante, je n’aurais jamais imaginé travailler un jour à Venise ! La Fondation Palazzetto Bru Zane créée par Nicole Bru il y a un peu plus de 10 ans est un projet à la fois très ambitieux et original qui vise à redécouvrir des pans entiers de la musique du XIXe  siècle français. L’une de mes plus grandes satisfactions a été de mettre en œuvre une collaboration avec La Fenice pour y donner, avec un franc succès, Les Chevaliers de la Table ronde une opérette d’Hervé, l’inventeur du genre avant Offenbach !

logo pala

Avez-vous trouvé des différences dans la façon de travailler entre les Français et les Italiens ?

Il existe bien sûr des différences culturelles dans la manière de travailler en France et en Italie, mais comme il en existe aussi entre l’Est et le Sud de la France ou bien entre Milan et Rome. Nos pays ne sont pas du tout uniformes et heureusement ! Les différences tiennent parfois aussi beaucoup aux secteurs d’activité et aux cultures d’entreprise : le plus grand choc, je l’ai vécu à Paris, en quittant la direction marketing Europe d’Ubisoft pour l’Orchestre national de Paris… De mes collègues italiens, j’ai beaucoup apprécié la capacité d’adaptation, la souplesse et la grande créativité, et surtout cette capacité à ne pas trop se prendre au sérieux qui manque parfois à certains de mes compatriotes. Les échanges informels y sont très importants et il est parfois plus facile de faire avancer un projet important autour d’un café improvisé ou d’un déjeuner convivial qu’avec une longue réunion. Il faut prendre le temps de ces rencontres et travailler son réseau, ce qui est peut-être encore plus important qu’en France. Et les Italiens sont de très grands travailleurs !

Venise est une ville très aimée par les Français, pouvez-vous nous en parler ?

C’est une ville unique, sans doute l’une de celles qui a été le plus racontée par tous ceux et celles qui, immanquablement, tombent sous son charme ! La vivre au quotidien comme résident permet d’en apprécier encore plus le caractère extraordinaire et incomparable. Je traversais tous les matins le pont de l’Accademia pour emmener mes enfants à l’école et rejoindre ensuite mon lieu de travail derrière la Basilica dei Frari. Un même parcours mais une vision renouvelée chaque jour, inlassablement, par la variation des lumières, du temps.

venezia

Notre promenade préférée nous emmenait le dimanche jusqu’à la Punta della Dogana puis sur l’Isola di San Giorgio d’où on a l’une des vues les plus belles sur le bassin de San Marco et le canal de la Giudecca. J’ai aussi découvert les beautés de la lagune, de toutes les îles qui entourent Venise et constituent son écosystème, avec leur faune et leur flore très spécifique. Venise est aussi une ville où l’on marche tout le temps et, de ce fait, où l’on passe son temps à croiser des personnes que l’on connait avec qui échanger quelques mots ou prendre un café in piedi au bar du coin. La sociabilité y est très forte, renforcée par le petit nombre d’habitants – en baisse chaque année – qui font un peu figure de survivants par rapport aux millions de touristes qui débarquent chaque année. C’est une dimension qui m’a fortement marquée dans cette ville, où nous avons noué des amitiés durables. Mais j’ai aussi vu, avec tristesse, Venise se dégrader au cours des cinq années où j’y ai vécu, avec un tourisme incontrôlé, des
résidents de moins en moins nombreux, des commerces de proximité qui ferment et sont remplacés par des magasins de verroterie chinoise. Il manque aujourd’hui une vision politique forte pour sauver cette ville et éviter qu’elle ne se transforme en ville-musée sans âme.

 

Quels sont vos projets futurs pour la Cité musicale avant et après la pandémie ?

Nous vivons une période de grande incertitude qui rend difficile la projection vers le futur. Lorsque la pandémie s’est déclarée et que les salles de concert ont dû fermer mi-mars nous avions pratiquement finalisé la saison 20/21, sauf pour les musiques actuelles où la programmation se fait par trimestre. Nous souhaitons reprendre nos activités dès que possible, tout en respectant des règles sanitaires strictes. Nos lieux patrimoniaux et notre galerie d’exposition devraient rouvrir début juin et nous nous organisons pour pouvoir accueillir dès que possible des résidences et des répétitions d’artistes qui ont besoin de reprendre leur travail de création. Pour la saison 20/21, nous savons que nous ne pourrons peut-être pas présenter toute la programmation imaginée et travaillons à plusieurs scénarios plus ou moins optimistes.

 

Arsenal-Metz-©-French-Moments
Arsenal-Metz-©-French-Moments

 

Nous avons prévu d’ouvrir la saison avec un temps fort autour des États-Unis, quelques semaines avant les élections présidentielles américaines. Mais les artistes pourront-ils venir ? Nous poursuivrons aussi, après l’Italie et la Pologne, nos coups de projecteur sur les pays très liés à l’histoire de la Lorraine, avec plusieurs concerts et spectacles consacrés cette fois à l’Algérie, avec Souad Massi, Nacera Belaza ou Gnawa Diffusion. Et un fil rouge autour des cuivres nous accompagnera tout au long de la saison notamment avec la trompettiste Airelle Besson, qui sera notre artiste associée pour 20/21.

 Ornella Piccirillo

 

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