L’auteur turinois de romans policiers et de thrillers se déroulant en Émilie-Romagne sera à Thionville le vendredi 16 mai (à 19h) pour une rencontre en français à Puzzle (1, place A Malraux) et le samedi 17 mai (à 11h) pour une rencontre en italien au Café Les Beaux jours (3, rue de la Tour)
Auteur de dix-sept polars dont dix ont été traduits en français, Valerio Varesi a imaginé un personnage récurrent, le commissaire Soneri dont la personnalité et le caractère sont inséparables de Parme, sa ville de cœur. Soneri, comme Varesi, y vit manifestement comme un poisson dans l’eau. Il passe sans hésitation et en parfaite connaissance de cause d’un quartier à un autre et connait toutes les ruelles et culs-de-sac de cette ville qu’il ne voudra jamais quitter. Il faut le suivre dans ses enquêtes qui se passent dans un brouillard aussi épais que les énigmes qu’il a à résoudre. On le suit dans une ambiance de doutes et d’interrogations qui se reflètent à merveille dans cette atmosphère brumeuse qui lui va si bien. Ce qui ne l’empêche pas de progresser à petits pas ni de trouver, à force d’interrogations et de remise en cause, une solution que lui seul est à même de trouver.
Loin de progresser logiquement, Soneri se fie surtout à son intuition. Quelque chose ne va pas, quelque chose cloche dans les témoignages ou dans le déroulé des faits. Il ne sait jamais clairement pourquoi mais il devine qu’il y a quelque part un fait ou un témoignage qui ne cadre pas parfaitement avec ce qu’on lui a raconté ni avec ce qu’il sait de l’affaire. Il progresse pas à pas, en zigzag, sans ligne droite ni déduction. Parfois, pour s’aider dans ses réflexions, il marche le long de Parma, la rivière qui traverse la ville et lui donne son nom, l’apaise et lui permet de mettre ses idées à plat dans un calme relatif mais réel. Un peu de repos et de calme est nécessaire à l’esprit compliqué du commissaire.
Pas de logique donc, mais une plongée dans toutes les couches de la société et dans tous les quartiers de Parme qu’on traverse de part en part depuis les endroits les plus connus jusqu’aux banlieues dans lesquelles aucun touriste ne penserait à s’aventurer. Valerio Varesi explore sa ville, sa géographie mais surtout sa sociologie. Ses personnages appartiennent à toutes les couches de la société. Des politiques aux sdf, des entrepreneurs aux salariés, ils couvrent tous les métiers et tous les niveaux de vie. Angela, compagne de Soneri, est un personnage clé. Brillante avocate, belle, elle forme avec Soneri un couple solide même si les disputes arrivent. Son expertise et son regard d’avocat permettent à Soneri, et donc à nous lecteurs, de comprendre les affaires avec un œil neuf. A force de réfléchir pour trouver le ou la coupable, certaines parties des enquêtes peuvent être oubliées ou négligées. Angela corrige et réoriente la compréhension des raisons de celles et ceux qui sont impliqués dans les crimes et délits pour le plus grand bénéfice des policiers. Elle est aussi le symbole de la difficulté de faire cohabiter la Justice et la Vérité. Pour Soneri, et donc pour Valerio Varesi, il n’y a pas de vérité absolue. L’avocat et la défense du coupable auront à rebattre les conclusions des enquêteurs et à chercher une autre vérité que celle établie par des expertises, des faits et des témoignages. Justice et vérité ont des rapports compliqués voire difficile. La société exige que les coupables soient jugés. Les policiers ont à établir des faits, les magistrats ont à guider les enquêtes et à prononcer des sentences. La vérité, elle, n’est pas toujours absolue et Valerio Varesi engage une profonde réflexion à ce sujet.
Dans ces romans, il n’y a pas de suspens. Il n’y a pas d’indice caché à deviner. Tout se déroule au coup par coup, l’enquête progresse mais jamais comme on pourrait s’y attendre. Un fait nouveau vient tout d’un coup bouleverser la logique et il faut revoir la façon de chercher le suspect ou le coupable. La vie est faite de contradictions, de surprises semble nous expliquer Valerio Varesi. La logique reste la logique mais elle ne permet pas de tout expliquer. A tel point que lorsque Soneri demande à son adjoint Juvara de trouver des informations sur internet – et Juvara en est un expert – la solution ne vient ni de l’informatique ni d’internet. Pour Soneri comme pour son auteur, le web n’est qu’une mémoire dénuée d’intelligence y compris quand elle s’appelle intelligence artificielle. « Vuoti di memoria », le dernier roman publié par Vareio Varesi en septembre 2024 en Italie développe largement ce thème. Pas de créativité dans le numérique, pas de résolution d’énigme à attendre de ce côté-là. Pour Soneri l’esprit humain est bien supérieur, lui seul est capable de mettre en rapport ce qui ne l’a jamais été auparavant. Reste la science et les informations indiscutables et prouvées qu’elle donne. Soneri dispose des expertises de son ami Nanetti membre de la police scientifique.

Les dialogues Nanetti- Soneti sont pleins d’une défiance mêlée d’une ironie acide de l’un envers l’autre. Justes et bien ciblées, les répliques sont mordantes et drôles sans agressivité. Les certitudes que délivre Nanetti ne sont que des pièces d’un puzzle que Soneri doit reconstituer. Le premier ne se prive pas de répéter au second que lui est certain de ce qu’il avance alors que le second ne fait que des hypothèses. Ce qui revient à dire que, pour le commissaire, c’est lui qui a le rôle le plus important et que c’est lui le plus intelligent. C’est aussi l’opinion de Valerio Varesi ?
Lui qui a fait des études de philosophie et exercé le métier de journaliste à Bologne critique sévèrement toute une génération qui a cru que recevoir et accueillir le monde entier allait se faire sans problème et qu’un peu de bonne volonté allait permettre d’aplanir toutes les difficultés. La réalité est bien différente, le monde a changé, il faut en tenir compte et c’est ce qu’il décrit dans « L’autre loi », paru en français en mars 2025 et traduit par Gérard Lecas. Outre cette analyse politique, Il met aussi un peu et même beaucoup de poésie dans la description de sa ville et dans la description de son ambiance de cité du nord de l’Italie. Non sans parler de toute la campagne, des collines et des villages alentour. Poésie qui répond à celle d’Attilio Bertolucci, né lui aussi à Parme et qu’il cite parfois. Poète, père de deux cinéastes bien connus, Attilio Bertolucci est l’auteur d’une œuvre dans laquelle la campagne, les forêts et de longues marches dans la campagne sont omniprésentes. Pas très étonnant que Valerio Varesi y fasse allusion quand Soneri enquête en dehors de Parme.
Soneri, commissaire dont on peut penser qu’il s’est retrouvé dans cette fonction un peu par hasard ou malgré lui, est un personnage qui vieillit au fil des intrigues. Il a un côté désabusé voire désenchanté, fume le cigare, se lève tôt et fréquente Le Milord, restaurant où il invite et retrouve Angela et où il mange les fameux anolini préparés par le chef Alceste. Il connait tous les restaurants et bistrots de Parme comme La Bottiglia Azzura où il est certain de retrouver Sbarazza, homme d’un certain âge, esthète désargenté, grand amateur et grand connaisseur d’art avec lequel il discute pour savoir si l’art est une échappatoire à tous les drames qu’il côtoie et si ce n’est pas là qu’il existerait une vérité vraie.
Peuplés de multiples personnages aux rôles bien définis, les polars de Valerio Varesi sont tout aussi sociologiques que philosophiques ou poétiques. Partant du réel et de la complexité de Parme comme de tout ville, ils nous font voir et comprendre une part de nos sociétés et de ce qui peut se passer dans la tête des hommes et des femmes qui vivent autour de nous. Sans trash, sans torture ni sang, ces histoires sont profondément humaines et proches de nous. Chacune d’entre elles comporte un fil conducteur, le Vivre Ensemble pour « L’autre loi » dernier roman traduit en français, la mémoire pour « Vuoti di memoria », dernier roman paru en italien. Il y en aura surement encore d’autres. A suivre donc.
Philippe Poivret
RDV: 𝐋𝐞 𝐂𝐚𝐟𝐞́ 𝐈𝐭𝐚𝐥𝐢𝐞𝐧 𝐝𝐞 𝐓𝐡𝐢𝐨𝐧𝐯𝐢𝐥𝐥𝐞 𝐚𝐜𝐜𝐮𝐞𝐢𝐥𝐥𝐞 𝐕𝐚𝐥𝐞𝐫𝐢𝐨 𝐕𝐚𝐫𝐞𝐬𝐢 – PassaParola Magazine
