Une exposition présentée au Musée Archéologique d’Audun-le-Tiche jusqu’au 25 mars 2023. Pourquoi « Les rouges et le noir » ? Les rouges, ce sont les communistes et tous les antifascistes, le noir c’est la couleur symbole du fascisme et de leurs sinistres chemises noires
Au début du XIXe siècle à Audun- le-Tiche, quatre hauts fourneaux, grands consommateurs de main d’œuvre, ont obligé les maîtres de forge à aller chercher des ouvriers dans toute l’Europe et notamment en Italie. Partis de leur pays natal pour des raisons économiques ou par refus du fascisme, ou pour ces deux raisons, ils ont fait et leurs descendants font encore la richesse économique et culturelle de cette partie du nord de la Moselle.
L’histoire de ces Italiens est restée dans l’ombre mais leur engagement contre la barbarie nazie méritait d’être reconnu. C’est ce à quoi s’attache l’exposition «Resistenza – Les rouges et le noir » présentée au Musée Archéologique d’Audun-le-Tiche et dont les commissaires sont Claude Frisoni, historien, et Raymond Reuter, photographe. Les Italiens partis travailler en Lorraine avaient abandonné leur pays pour arriver dans une région inconnue, bien loin du climat et des paysages du Bel Paese. En France ou au Luxembourg, ils ont été embauchés pour travailler au fond de la mine, dans des conditions difficiles et dangereuses. Mais loin de rester indifférents à ce qui se passait dans leur pays natal et dans leurs pays d’adoption, ils ont vite compris que le fascisme était une dictature qu’il fallait combattre, ce que la presse française et bon nombre d’intellectuels n’ont pas compris tout de suite (cf le livre d’Alberto Toscano dans Lire et Relire).
Pendant la Seconde Guerre mondiale, ils ont contribué activement au réseau de résistance Mario, qui a compté jusqu’à trois mille hommes répartis dans toute la région. Etrangers avec un statut précaire, peu d’entre eux étant naturalisés, ils n’ont pas hésité à saboter les installations ennemies, à distribuer des tracts, à transmettre des renseignements stratégiques aux forces alliées ni à exfiltrer des juifs. Certains l’ont payé de leur vie. Parfois dénoncés, la Gestapo les a arrêtés sur leur lieu de travail ou devant leurs familles terrorisées. Transférés au fort de Queuleu à Metz, ils ont été torturés pour être déportés dans des camps de concentration où beaucoup sont morts. Mais leur histoire ne s’arrête pas là. Une fois rentrés à la maison, les rares survivants ont dû faire face à l’hostilité ambiante vis-à-vis des Italiens. L’Italie avait été du mauvais côté et tous les Italiens étaient assimilés à des fascistes.
L’État français, tout comme l’État luxembourgeois ont mis plusieurs dizaines d’années avant de leur reconnaître le statut de résistant et de leur accorder la reconnaissance qu’ils méritaient. Italiens, communistes pour la plupart, ils n’avaient pas toutes les cartes pour faire valoir leurs droits. L’exposition rend hommage à toutes et tous les Italiens qui ont combattu contre la barbarie nazie au travers de quatre d’entre eux : Vittorio Rutili, dont l’histoire est racontée par deux de ses fils, Norbert et Roland, Luigi Peruzzi raconté par son fils Remo, Tommaso Filipetti par sa petite-fille Aurélie et Domenico Bodicchia par son petit-fils Domenico.
Remo Ceccarelli, collaborateur bien connu de PassaParola et dont la famille a soutenu activement les membres du réseau Mario, est le cinquième personnage à être présent dans cette belle exposition qui rend enfin justice à des hommes et des femmes dont le courage et la valeur forcent le respect et la gratitude de celles et ceux qui vivent aujourd’hui dans un pays en paix.
Philippe Poivret
