S’il n’avait pas été écrivain, Italo Calvino aurait pu être architecte – c’est-à-dire bâtisseur de mondes imaginaires. Chacune de ses cinquante-cinq Villes invisibles est une sorte de monade, d’icône ou de blason concentrant l’univers dans sa totalité, à l’image du Balbec de Proust, de la Kakanie de Musil ou de la Castalie de Hermann Hesse. On y pénètre le cœur léger, et on s’y retrouve aussitôt pris dans un étau, entre nos fantasmes, nos peurs et nos désirs conjugués

Chacun de nous a déjà réfléchi, un jour, à ce qui serait la ville de ses rêves – et donc, par ricochet, celle de ses cauchemars. Certains sont même allés jusqu’à lui donner forme et contenu, à la faire vivre sur une feuille de papier ou sur une pellicule, sur une planche à dessiner ou un écran d’ordinateur. Ce qui fascine dans le récit d’Italo Calvino, c’est la suggestion qu’il y a toujours dans les maisons, les quartiers et les villes qu’on habite, tout comme dans les livres qu’on lit ou les films qu’on regarde au cinéma, un transfert d’émotions, de frustrations, de projections. Quelqu’un s’est mis à rêver à notre place. Quelqu’un – c’est-à-dire un artiste visionnaire, un architecte, un urbaniste, ou alors un homme de pouvoir, qu’il soit ministre du logement ou doge de Venise, empereur ou dictateur – s’est emparé de nos désirs et de nos angoisses et les a matérialisés, faisant surgir de nulle part une cité plus ou moins radieuse qui, pour mieux incarner nos fantasmes, peut porter un nom de femme comme les villes de Calvino – elle peut s’appeler Anastasia, ou Dorotea ou Octavia, mais aussi Brasilia, ou Sabaudia, ou Aprilia ou Pomezia.

En observant à la loupe le motif caché dans le tapis des Villes invisibles, on finit par y déceler la fine toile d’araignée tissée entre l’homme de pouvoir (Kublai Khan), l’aventurier (Marco Polo), le bâtisseur de mondes possibles (qu’il soit architecte ou romancier) et l’usager de ce « domaine public » qu’est la ville ou le livre (c’est-à-dire l’habitant ou le lecteur du roman). Si la plupart des exégètes de Calvino n’ont pas accordé beaucoup d’importance à Kublai Khan, c’est parce que son interlocuteur, Marco Polo, est plus séduisant, plus entrepreneur, grand voyageur et formidable conteur. Mais la figure de ce tyran rongé par une sorte de spleen quasi baudelairien est bien plus troublante, dans la mesure où elle laisse transparaître la mélancolie incurable que ressentent les conquérants lorsqu’ils entendent parler de ces villes formidables qu’ils n’auront jamais l’occasion de découvrir parce qu’ils sont trop occupés à les assiéger.

Corina Ciocârlie

Italo Calvino – la ville mode d’emploi – Bibliothèque nationale (BnL) – Luxembourg (public.lu)

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