Le jeu de cartes est une tradition très ancienne, toujours très présente aujourd’hui. En Sicile aussi les cartes à jouer sont un élément essentiel de la vie quotidienne. On trouve toujours une bonne occasion pour faire une partie de « briscola » de « scopa », « d’asso piglia tutto » et à bien d’autres jeux encore. Matteo Falone n’a que 22 ans mais déjà un beau projet d’art et de mémoire en cours : une version revisitée des quarante cartes à jouer siciliennes. Nous l’avons rencontré pour en savoir davantage
D’où vient votre intérêt pour les cartes à jouer ?
Je suis né à Thionville en 1998. Mes grands-parents côté maternel étaient siciliens et côté paternel originaires des Abruzzes. Ils sont arrivés en France pour travailler dans les hauts-fourneaux de la vallée de la Fensch. Toute mon enfance j’ai été bercé par les traditions italiennes et bien que né après l’âge d’or de la sidérurgie, j’étais plongé dans la culture ouvrière. Mes grands-parents siciliens m’ont appris à jouer à la scopa avec un jeu de cartes qui avait voyagé avec eux dans leur valise en carton de Sicile jusqu’en Lorraine. Les dessins des cartes m’intriguaient et me fascinaient, et j’ai toujours pensé qu’un jour, je ne savais pas quand, je les redessinerais. En février 2020 j’ai perdu ma grand-mère, et puis le confinement dû au Covid m’a permis de me lancer dans la réalisation de mon rêve d’enfant. Après plus d’un an de travail, mon projet commence seulement à prendre forme.
Quelles ont été les différentes étapes de votre travail de réinterprétation ?
J’ai commencé par un travail de recherche sur la symbolique de chacune des quarante cartes traditionnelles. J’ai consulté le dictionnaire des cartes à jouer, j’ai lu différents livres et échangé avec des joueurs siciliens dans des forums sur Internet. J’ai ainsi pu recueillir un support sémantique riche de sens et de mythes. En commençant à dessiner mes cartes, j’ai élaboré un monde imaginaire. Il est bien évidemment héritier de la mythologie italo-sicilienne, avec des références claires à l’esthétique de la sidérurgie disparue et au chaos qui suit la fin d’une époque. Mes dessins racontent des histoires inquiétantes où se côtoient l’absurde, le grotesque, la violence et l’ironie. Un univers personnel issu d’une recherche identitaire plurielle, ambigüe et sans racines solides et sûres.
Ornella Piccirillo (en collaboration avec Francesco Mind Fiorentino)
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