L’art de la perle qui naît du dialogue entre le feu et le verre, est un véritable patrimoine vivant qui se perpétue à Venise depuis le Moyen-Âge.
Héritiers de la tradition byzantine, les perliers de Venise n’ont cessé d’innover et leurs créations ont assuré à la Sérénissime son essor fulgurant et son rayonnement. Ils ont créé une infinité de perles qui diffèrent en fonction de la technique adoptée. Les rocailles monochromes, minuscules, sont utilisées dès le XIVe siècle pour les colliers multi-rangs et les broderies. Curieuse technique : deux hommes tirent en courant en sens inverse un globe de verre en fusion et l’étirent en un très long tube. La bulle initiale s’allonge en tube qui est fragmenté en baguettes, puis en perles. Pour les perles Rosetta, ou perles à chevron, au XVe siècle, les cannes trouées sont revêtues de plusieurs couches de verre de différentes couleurs. Une fois meulées, apparait le motif en V. Le XVIe siècle voit l’apparition des perles de verre soufflé : le souffleur crée la forme puis y dépose des couleurs de verre variées ou de l’or. Ses mouvements figent les formes spiralées. Pour les perles a lume, on fond au chalumeau des baguettes de verre en les enroulant sur un mandrin et on leur donne différentes formes. Quant aux murrine, ce sont des cannes de verre multicolores assemblées autour d’un noyau.
Dès le XIIIe siècle, commerçants et explorateurs, tel Marco Polo, emportaient des cargaisons de perles qui leur servaient de monnaie d’échange : elles étaient troquées contre de l’or, des épices, de l’ivoire en Asie, en Afrique puis en Amérique. N’oublions pas le rôle qu’elles ont joué dans le commerce triangulaire du XVIe au XIXe siècle. Comme tous les verriers qui en 1291 se sont déplacés vers l’île de Murano pour éviter les incendies, les perliers, soumis au contrôle du gouvernement, ne pouvaient quitter Venise sous peine de mort.
L’État les protégeait mais ils étaient prisonniers pour garder leurs secrets de fabrication qui, malheureusement, au fil du temps se sont éventés. Ces perles de verre, véritables œuvres d’art, ont subi de plein fouet la concurrence asiatique et, depuis l’an dernier, la crise liée au Covid-19. Vont-elles recouvrer leurs couleurs grâce à la décision de l’Unesco qui les a sacralisées bien culturel immatériel du patrimoine de l’humanité ? Un grand élan s’est élevé depuis cette consécration, souhaitons tous qu’il perdure !
Nicole de Paleville