Les Italo-Lorrains qui sont nés dans les années 70 ont parcouru des milliers de kilomètres en train, tous les étés, pour que le lien affectif entre parents, petits-enfants et grands-parents ne meure jamais. Des centaines de familles sont montées dans ces trains internationaux qui desservaient les gares transalpines, de Milan jusqu’à la Sicile, pour arriver à « la casa dei Nonni ». Rita Vigliotti nous livre ses souvenirs.
C’étaient de véritables odyssées ferroviaires dont beaucoup se souviennent. On avait des provisions pour un régiment : mortadelle, artichauts et aubergines en bocaux que l’on partageait avec d’autres familles. Pour rejoindre Messine, on traversait Villa San Giovanni avec le traghetto. C’était captivant de voir un train rentrer dans un bateau.
Après 30 heures de train, on était presque arrivés. Une fois à la maison, on levait les yeux au ciel et il était zébré de cordes à linge tendues au balcon. Nonna était assise sur une chaise basse juste au milieu des serviettes et des draps qui lui frôlaient les bras. C’était si beau ! Que dire des tablées géantes avec oncles et cousins, j’entends encore les voix des convives, tous parlant en dialecte. C’était une comédie tous les jours ! Arrosto et Stufatino, Minestrone et Scaloppine, Pastina in Brodo pour le soir. Mais moi, je préférais les antipasti. Nonno revenu de la cantina (la cave) commençait le rituel du vin : il transvasait le vin de la bonbonne à la bouteille. C’était juste un dimanche d’été. Les rires, les chansons, le frittate à savourer au bord de mer ou en montagne. Les soirées entre copains au bar en écoutant « Acqua azzurra Acqua chiara ». Souvenirs inoubliables. Et puis un jour la maison des grands-parents ferme pour toujours ses volets… Un des moments les plus tristes d’une vie. Mais rien de cet amour, rien de ce qui a été ne pourra être effacé.
Rita Vigliotti