Conférence du professeur Sibilla CUOGHI :

Dante ALIGHIERI (1265-1321), le plus grand poète et intellectuel du Moyen âge en Italie,

mais son œuvre et sa pensée vont bien au-delà de son époque. Si la Renaissance italienne l’a oublié, car sa poésie ne répondait pas à ses critères d’harmonie formelle, à partir du XIXe siècle son idée d’une poésie engagée, son exigence de forts idéaux politiques, religieux et littéraires sont devenus une raison inspiratrice de la poésie moderne.

Toutefois, la Divine Comédie n’est pas considérée comme étant la source unique de la littérature italienne moderne : la variété des œuvres et des intérêts de Dante ont fait jaillir une réflexion intellectuelle inépuisable dans les lettres italiennes. En particulier, nous devons lui attribuer le mérite de créateur de la langue italienne, en faisant de celle-ci, jusqu’à son temps débiteur du provençal ou du dialecte sicilien, une langue capable d’exprimer tous les contenus possibles. Si nous pouvons aujourd’hui encore comprendre sans grand effort les textes de Dante, c’est parce que notre langue nationale est encore la sienne.

Dante ne s’est pas borné à introduire et anoblir le dialecte toscan pour le convertir dans un outil linguistique capable d’exprimer tous les sujets littéraires : Il a été aussi le premier à réfléchir sur l’origine et l’histoire des langues romanes, dont il a compris les liens mutuels dans l’œuvre De vulgari Eloqiuentia.

Sa pensée s’est étendue aussi au domaine politique, dans lequel il a repoussé la doctrine théocentrique, pour soutenir les raisons du pouvoir laïque, reposant sur l’empereur. Sa théorie politique, bien que conservatrice et opposée aux nouveaux centres de pouvoir représentés par les Communes en Italie et les monarchies nationales s’affirmant un peu partout en Europe, naît de la nécessité d’assurer la paix. La réalisation de ce but ne peut qu’être assuré par une autorité suprême, possédant tous les biens et donc insensible à la convoitise et à l’avidité, cause de tous les conflits (De Monarchia).

Dante est enfin le fondateur et le plus grand poète de la littérature italienne : d’abord il porte sa réflexion sur son expérience amoureuse qu’il exprime dans la Vita Nuova, livre en prose et en ve écrit pour analyser la nature du sentiment d’amour, s’adressant à la figure-symbole de Béatrice. Dans ce texte Dante dépasse de loin la doctrine des poètes provençaux, car il dépouille l’amour de toute implication sensuelle : l’amour ne consiste plus en un contact charnel avec la femme aimée, mais plutôt en un sentiment idéal, où la femme apparaît comme un ange descendu du ciel. Béatrice, guide spirituelle du poète, revêtira un rôle encore plus central dans la Divine Comédie, où elle sera la figure féminine accompagnant Dante dans son ascension au Paradis, dernière partie de son voyage de la misère humaine du péché au salut éternel.

Pendant les années de son exil, Dante désespère désormais de la possibilité que les hommes puissent réaliser le bien dans le monde par leurs propres moyens et se sauver de la perdition. Dante veut nous montrer dans un dernier jugement, quel sera le sort des hommes dans l’enfer, la condition des âmes pénitentes acheminées vers les cieux et la béatitude des esprits justes. Le but de l’auteur de cette oeuvre, imprégnée d’humanité et de foi religieuse, est de nous convertir du vice à la vertu, de devenir responsables de notre conduite et de notre avenir. On ne peut pas dire qu’il s’agit d’une aspiration vaine et révolue.

Entrée libre !